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Notre rapport au tourisme virtuel. Le rapport metaverse danger…

Le titre de cet article est une question qui m’a Ă©tĂ© posĂ©e sur QUORA, et avant de donner des pistes de rĂ©ponses, rappelons les promesses du Metaverse, et celles du tourisme.

définition Metaverse

MĂ©tavers en français. C’est un outil ouvert, entiĂšrement paramĂ©trable par ses utilisateurs. C’est une Ă©volution de l’utilisation d’internet dont les principales propositions de valeurs sont :

  • Un monde numĂ©rique, spatialisĂ© et immersif, construit par ses utilisateurs
  • Persistant (quand j’éteins mon PC, le monde continue Ă  vivre)
  • La capacitĂ© Ă  interagir avec les Ă©lĂ©ments virtuels de l’environnement et avec d’autres utilisateurs
  • La capacitĂ© Ă  gĂ©rer son avatar (l’apparence, les gestes, la dĂ©marche, les expressions, 
). Avec vue subjective en immersion casque VR et/ou avatars Ă  la 3Ăšme personne (pilotĂ© et vu de l’extĂ©rieur). Avatars pĂ©rennes.
  • L’ubiquitĂ© (ĂȘtre en plusieurs lieux en mĂȘme temps en pilotant plusieurs avatars si on le souhaite)
  • Une diversitĂ© des utilisateurs et des communautĂ©s
  • Une libertĂ©, non contrainte par des rĂšgles morales arbitraires
  • Un univers qui possĂšde sa propre Ă©conomie
  • Un outil interopĂ©rable, avec la capacitĂ© Ă  gĂ©rer ses possessions et passer d’un environnement Ă  l’autre si diffĂ©rentes briques du Metaverse Ă©taient basĂ©es sur diffĂ©rentes technologies
  • Un outil multi-plateformes (PC, MAC, smartphones, casques de rĂ©alitĂ© virtuelle, rĂ©alitĂ© mixte
)
  • La dĂ©centralisation et la sĂ©curisation (les donnĂ©es sont certifiĂ©es, et le systĂšme appartient aux utilisateurs, pas Ă  une seule entitĂ©)

Le tourisme

A longtemps Ă©tĂ© le seul moyen de dĂ©couvrir l’autre et l’ailleurs, bien avant l’avĂšnement des outils modernes de communication et mĂȘme de transport. Dans notre sociĂ©tĂ© moderne, le tourisme est devenu principalement synonyme de :

  • CrĂ©ation d’emplois
  • DĂ©veloppement des infrastructures et services
  • PrĂ©servation et la mise en valeur du patrimoine
  • Echanges culturels
  • ComprĂ©hension mutuelle
  • DĂ©veloppement des communautĂ©s locales

 

Le tourisme virtuel via le metaverse ?

Cadrons un peu le propos : avant d’Ă©voquer un “mĂ©tavers danger”, il faut prĂ©ciser que le Metaverse n’existe pas encore dans sa forme absolue (article), il se construit par briques, mais induit dĂ©jĂ  de nouveaux usages qui le prĂ©figurent ! Pour le touriste, le metaverse ne remplacera jamais la visite ou le voyage, tout comme la simulation de vol n’a jamais remplacĂ© le plaisir du vol, ou mis au chĂŽmage les pilotes amateurs (ou pro). Ni les jeux de course de voitures avec casque immersif n’ont remplacĂ© les vrais circuits automobiles.

Cependant, il faut rĂ©flĂ©chir Ă  notre maniĂšre de “consommer le voyage“. J’en discutais il y a peu avec un ami, qui me disait que son expĂ©rience de visite de la Chapelle Sixtine ne restait pas le meilleur souvenir de son sĂ©jour en Italie : foule, brouhaha, tout le monde Ă©paule contre Ă©paule le nez levĂ©, l’oeil sur les smartphones… On est loin du compte en terme d’expĂ©rience mystique ou architecturale.

Aujourd’hui, un jumeau numĂ©rique nous permet de nous y immerger aussi longtemps que l’on veut, en faisant varier la lumiĂšre, avec le son spatialisĂ©, nous permet de voler vers le plafond, voir le dĂ©tail des peintures, connectĂ© avec des amis, un guide personnel, etc… avec une ambiance si proche de l’original, que l’on peut se demander si c’est encore la peine de crĂ©er un tel flux humain sur le vrai monument. D’autant que la plupart du temps, c’est devenu affaire de cocher une case sur sa liste de selfies pour son compte Instagram.

Alors, peut-ĂȘtre que vu de France ou d’Italie, une visite virtuelle de la Chapelle Sixtine paraĂźt excessif, mais est-ce vraiment si absurde Ă  y bien rĂ©flĂ©chir ? Un japonais ou un hawaĂŻen ont-ils le mĂȘme point de vue ? “Visite virtuelle Chapelle Sixtine” est d’ailleurs un mot clĂ© trĂšs tendance sur Google, de mĂȘme “visite virtuelle chĂąteau de Versailles”, “visite virtuelle du Louvre” ou “visite virtuelle grotte de Lascaux”. Et de France, pense-t-on pareil pour des destinations plus lointaines ?

N’y a-t-il pas eu aussi de l’engouement pour revisiter Notre Dame intacte, juste aprĂšs son tragique incendie ? Tout Ă  coup, le virtuel devenait un conservatoire incontournable du patrimoine, accessible de n’importe oĂč,  “visite virtuelle notre dame de paris” Ă©tait montĂ© en flĂšche dans Google Trends ! ScanPyramids VR, la visite virtuelle de la pyramide de KhĂ©ops organisĂ©e par la CitĂ© de l’architecture Ă  Paris, a remportĂ© un tel succĂšs que l’opĂ©ration redĂ©marre rĂ©guliĂšrement. La visite tĂ©lĂ©porte un groupe de six personnes, Ă©quipĂ©es d’un casque de VR et accompagnĂ©es d’un guide, sur le plateau de Gizeh pendant quarante-cinq minutes.

« Cette forme de tourisme hors-sol ou tourisme 4.0 va se dĂ©velopper sans pour autant Ă©clipser le tourisme, qui reste un temps d’expĂ©rience ailleurs. Le virtuel permet des expĂ©riences multisensorielles ou impossibles dans le rĂ©el, mais il ne remplacera pas l’ascension du mont Blanc, par exemple »
David Nahon, directeur de l’Immersive Experience de Dassault Systùmes (article). 

 

La place du social

Visiter un jumeau numĂ©rique du Vatican ne veut pas dire que son accĂšs “in real life” devient interdit au public, mais il s’agit bien de penser comment et pourquoi nous consommons du tourisme. C’est avant tout une rĂ©flexion sur notre comportement individuel, face aux sites touristiques les plus populaires qui sont souvent soumis Ă  une pression excessive. En revanche, la vie dans les quartiers alentours, les petits restaus, les Ă©changes humains, les ambiances, les odeurs, les recettes locales, etc… on fait toute la richesse du dĂ©placement de mon ami.

 

Les usages

Il s’agit bien de penser usage, et pertinence de l’usage !

L’outil pourrait permettre de partager Ă  plusieurs une experience immersive sur un lieu qu’on ne peut partager autrement entre amis, ou membres d’une mĂȘme communautĂ© : parce que trop loin, trop cher, ou comme Ă©voquĂ© plus haut, trop de pression touristique (donc Ă  prĂ©server), trop dangereux pour moi, 


Au regard de la pression touristique, ces outils sont l’occasion de faire dĂ©couvrir de nouveaux lieux, et de mieux rĂ©partir les flux de visiteurs. Il est question dans certains pays comme la France, d’utiliser les influenceurs des rĂ©seaux sociaux pour proposer de nouvelles destinations, pour en prĂ©server d’autres ; les casques VR et les applications sur leurs Stores sont un bon moyen de dĂ©couverte et de prĂ©paration.  

GrĂące aux jumeaux numĂ©riques, et si on en a envie, on peut aller visiter en immersion Ă  l’Ă©chelle 1:1 l’hĂ©bergement choisi, prĂ©parer un parcours de randonnĂ© un peu compliquĂ© (prendre des repĂšres, se faire une idĂ©e des difficultĂ©s), 
 Mes enfants n’ont jamais fait une visite avec autant de curiositĂ© et de jeu que le jour oĂč ils ont visitĂ© le Mont-Saint-Michel dans Second Life la veille d’y aller “en vrai” : ils Ă©taient Ă  l’affut de tous les petits dĂ©tails qu’ils avaient eu le temps d’observer “en volant” au dessus des rues ou “en plongeant” dans les soubassements. Étonnamment, la surprise et la dĂ©couverte Ă©taient dĂ©cuplĂ©es.

Le Mon Saint Michel dans Second LifeLe Mont Saint-Michel dans Second Life https://secondlife.com/destination/1338

Il peut aussi venir en complĂ©ment d’un site touristique, qui sur place ou Ă  distance, peu proposer de plonger dans le passĂ© ou le futur les visiteurs, ensemble, avec des interactions riches !

 

La place de l’art et de la nature

La France, premiĂšre destination du voyage, et plus ancienne nation touristique, peut lĂ  montrer l’exemple, rĂ©flĂ©chir Ă  la place de l’art dans les vacances, au respect de la nature et des paysages, des habitants.
Jean VIARD, sociologue et directeur de recherches CNRS au Cevipof, Centre de recherches politiques de Sciences Po Paris. 

Le NÞÞMuseum, musĂ©e virtuel, ou le “Premier Festival de Science-Fiction Virtuel AprĂšs La Fin Du Monde” ; inaugurĂ© en mai 2013, est le prolongement dĂ©matĂ©rialisĂ© dans le cyberespace du “Festival de la Science Fiction et de l’imaginaire de Roanne” fondĂ© il y a trente ans. La rĂ©alisation de ses diffĂ©rentes versions numĂ©riques est le fruit d’un travail collectif qui rassemble artistes, concepteur son et de technologies des rĂ©seaux.

Reconstitution en 3D temps réelle du tableau de Velasquez, Las Meninas.

Reconstitution en 3D temps réel du tableau de Velasquez, Las Meninas, par Yann Minh pour le Noomusueum, avec possibilité de déambuler DANS le tableau pour mieux en comprendre la composition. https://www.noomuseum.net/

On pourrait aussi citer des expĂ©riences qui nous rapprochent de la nature, dont certaines sont inaccessible pour beaucoup d’entre nous, ou Ă  ne pas (plus) faire pour des raisons de conservation : les sommets des hautes montagnes, les plongĂ©es profondes, les voyages dans le patrimoine disparu, dans le futur…

Dans les expĂ©riences virtuelles que nous avons construites, je me souviens de Laurent Ballesta,  ocĂ©anologue et photographe naturaliste, disant en octobre 2013 “Ohlaa j’y retourne !” alors qu’il dĂ©couvrait en immersion une plongĂ©e virtuelle Ă  120 m de profondeur avec le CƓlacanthe, qu’il avait Ă©tudiĂ© dans le Golfe du Mozambique.

Il prenait plaisir Ă  rappeler Ă  l’Ă©poque que moins de gens avaient plongĂ© avec ce poisson mythique qu’il n’y avait eĂ»t d’hommes sur la Lune... 4 minutes pour descendre Ă  120 m, mais les 5 heures de remontĂ©e par paliers de dĂ©compression en pleine eau pour 30 minutes d’exploration au fond, l’entrainement physique, le coĂ»t du matĂ©riel et la complexitĂ© des mĂ©langes gazeux Ă  respirer devaient y ĂȘtre pour quelque chose…

Laurent Ballesta en plongée virtuelle avec le Coelacanthe
Laurent Ballesta – Janvier 2014, pointant du doigt un Coelacanthe, par 120m de fond… 

Nous avions portĂ© cette expĂ©rience Ă  des centaines de personnes en janvier 2014 au salon international de la plongĂ©e de Paris. Aujourd’hui, 10 ans aprĂšs, l’expĂ©rience est portable dans n’importe quel foyer pour le prix d’un Smartphone. Demain, ce sera un standard.

En faisant la parallĂšle entre Lune, espace et standard de visite, il y existe d’ailleurs une “visite virtuelle iss” gratuite en ligne, qui permet de parcourir la station spatiale internationale (avec casques VR ou sur son PC).

Le Metaverse, est, comme les outils de rĂ©alitĂ© virtuelle et de rĂ©alitĂ© augmentĂ©e, un moyen pertinent de crĂ©er un continuum de visite, en permettant un lien entre avant, pendant, aprĂšs visite. Et c’est un endroit oĂč l’on socialise, tout comme par exemple dans Second Life (un ancĂštre du Metaverse), oĂč j’ai travaillĂ© pendant plus de 4 ans et rencontrĂ© “des utilisateurs”, d’abord par avatar interposĂ©, qui sont devenus des amis et/ou partenaires “in real life”. Rappelons aussi qu’en 2021, le produit intĂ©rieur brut de Second Life (l’argent gĂ©nĂ©rĂ© par les transactions de la monnaie interne Ă  la plateforme, que beaucoup disent “morte”) s’Ă©lĂšve Ă  650 millions de dollars.

 

Quel tourisme veut-on ?

Si l’on rebondit sur ce phĂ©nomĂšne de “tourisme de grande consommation” il ne faut pas oublier la nouvelle gĂ©nĂ©ration Ă©levĂ©e Ă  Fortnite ou Minecraft, avec leurs centaines de millions d’utilisateurs. Univers dans lesquels on ne fait pas que du jeu, mais aussi de la crĂ©ation de contenus, oĂč on assiste Ă  des spectacles, et oĂč l’on socialise en ligne, et… dans le vrai monde, avec l’organisation d’Ă©vĂšnements qui rassemblent des dizaines de milliers de personnes en un mĂȘme lieu.

Pour le coup, le tourisme et les commerces locaux en sont d’autant boostĂ©s ! Et c’est certainement lĂ  que le vrai dĂ©bat s’ouvre, car tous les sites touristiques ne sont pas prĂ©parĂ©s Ă  ça :

Quel tourisme veut-on pour demain et comment les nouveaux outils vont-ils impacter nos comportements les plus nuisibles ?”

ESports: Fortnite World Cup Finals

Jul 27, 2019; Flushing, NY, USA; A general view of Athur Ashe Stadium during the Fortnite World Cup Finals e-sports event at Arthur Ashe Stadium. Mandatory Credit: Dennis Schneidler-USA TODAY Sports

Pour aller plus loin sur la promesse du Metaverse :
https://www.explorations360.com/15-ans-dans-le-metaverse/

Pour aller plus loin sur le tourisme, le sociologue Jean Viard revient sur l’annĂ©e de pandĂ©mie et la façon dont elle a modifiĂ© durablement notre sens du voyage et des vacances :
https://www.lepoint.fr/voyages/l-an-zero-du-tourisme-12-06-2021-2430682_44.php#11